Assis sur un banc, la main caressant avec hésitant la crosse de son arme, celui qui a été nommé chef de la sécurité continue de nettoyer le canon de celle-ci, gardant en tête toute la splendeur dont elle fait preuve une fois brillante à la lumière du jour. Le soleil établissait son périmètre au zénith tout en gardant à l’œil l'immense camp habité par un calme olympien, une étrange condition si on se met à la comparer aux habituelles conversations et inquiétudes animant les esprits. Que diable emporte les dires, personne ne peut à ce jour s'insurger contre la politique controversée du Conseil et de la Milice, groupe dont Bruce fait partie depuis la création de cette dernière. Si il était au départ un simple survivant priant pour que les dieux lui procurent une espérance de vie plus longue, cette perspective s'étant changée en un doute fortement désagréable le prenant aux tripes. Était-il vraiment à sa place au sein de cette assemblée courant à leur perte ? Tout n'est qu'une question de temps avec que les murs ne s'effondre, que l'espoir des survivants ne s'engouffre involontairement dans un puits sombre et humidifié par des flots de sangs et de larmes. Au plus profond de lui, Bruce espère sincèrement pouvoir venir en aide à certains civils, mais pas au péril de sa vie, ils ne méritent pas une telle attention pour la plupart. Qui irait se jeter dans le feu pour éviter qu'il finisse au bûcher ? Qui se sacrifierait pour lui ? Personne n'a eu cette empathie pour lui avant que la mystérieuse épidémie ne se propage alors pourquoi est-ce que ça changerait aujourd'hui ? L'évolution de l'homme ne se fait pas dans le bon sens, pas en ces temps difficiles où seul la loi du plus fort s'applique. Mais tôt ou tard, quand le bon moment frappera à sa porte, le glas du camp de Lafayette tombera et c'est un homme au courage démesuré et à la redoutable détermination qui se dressera comme un seul homme devant les tyrans. Ce sont des tyrans à l'image des Horsemens d'après les dires. Sa vie est bien trop précieuse pour lui, il ne prendra pas un risque démesuré avant d'en avoir mesuré le moindre coût.

« Nous avons un blessé !!! »

Le ton de cette voix lointaine parvenait aux oreilles comme étant annonciateur d'une mauvaise nouvelle et non pas seulement à cause d'une blessure, mais également à cause de cette panique qu'emplissait ses paroles. Devait-il prendre la peine de se lever ? Si de nombreuses personnes accouraient comme des brebis galeuses vers les éclaireurs afin de jauger la gravité de la situation, Bruce ne daigna pas rejoindre l'attroupement, sa tête se redressa pour y poser un regard observateur et intrigué malgré tout. Blake était là, un éclaireur faisant partie de la milice et aux intentions assez malsaines, une blessure au bras où du sang jonchaient son muscle avec abondance. Une blessure par balle récente à en juger la forme de celle-ci aussi petite qu'un impact de balle. C'est récent. Une rencontre avec un Horsemen ? Possible. En avait-il quelque chose à faire ? Non, il était loin d'admirer ou d'avoir la moindre once d'amitié pour cet homme aussi répugnant que déshonorable. La mort aurait été la meilleure option pour lui même s'il bénéficie d'une immunité étant donné son statut de privilégié. Un médecin fit irruption au moment-même où Blake se faisait escorté vers le bâtiment servant d'infirmerie pour l'aider à se déplacer. Titubant de façon assez lourde, il se trouvait au bord du malaise. Une demi-seconde précéda un léger froncement de sourcil de la part du chef de la sécurité qui trouva là une belle opportunité de faire taire certaines rumeurs assez désobligeantes tout en donnant l'occasion d'enlever une épine empoisonnée du pied.

Sa main se resserra automatiquement autour de la crosse de son arme, son regard prit une directive plus sombre alors qu'il observait la grande bâtisse devant lui. Quelques longues secondes s'écoulèrent avant qu'il ne décide à se lever et à entreprendre une marche modérée vers l'infirmerie. Une petite visite s'impose à la fois en tant que chef de la sécurité....et survivant. Prenant soin de ranger l'arme à sa ceinture, Bruce arriva rapidement devant la porte qu'il poussa d'une main pour pénétrer à l'intérieur, laissant l'odeur fraiche d'une peinture récemment mise mélangée à celui du sang frais. Désagréable, mais logique. Guidé par son instinct, Bruce détala avec prudence le petit couloir menant à son terme à deux portes. Sur la gauche se trouvait le cabinet générale où de nombreux lits étaient entreposés à l'image d'un camp militaire et sur sa droite une porte menant à un second couloir qui lui menait à trois salles d'examination privée. Quitte ou double. Préférant la droite, il s'y dirigea jusqu'à arriver devant une pièce où deux voix se différenciaient du silence pesant régnant à l'intérieur.

Un médecin sortit de la pièce, obligeant Bruce à s'écarter pour éviter de le faire tomber à la renverse étant donné le corps frêle et mince de ce dernier non sans lui lancer un bref regard. Il n'en restait plus qu'un et à en juger l'apparence de ce dernier il ne pouvait s'agir que de Rajat Pavakhem, un médecin à qui il a eu à faire à quelques reprises, mais sans plus. Ils ne se connaissent pas en dehors de quelques banalités, tout ce qu'il peut affirmer c'est que Rajat agit bizarrement lorsque quelqu'un évoque la milice. Gêné ? Perturbé ? Intrigué ?

« Un tir par balle ? »

Ou une morsure, dans quel cas il valait mieux lui coller une balle entre les deux yeux sur le champ. Mais vu la cavité de la blessure, seule une balle peut faire ça et visiblement bien placé vu l'état lamentable dans lequel Blake se trouvait, il ne lui laissait quelques secondes avant qu'il ne tombe dans les pommes. L'inquiétude ne se lisait pas une seule seconde sur le visage de Bruce qui fit preuve d'une impassibilité exemplaire et assez terrifiante. Bras croisé dans l'encadrement, il attendait la réponse de l'infirmier avant d'aviser.