dead man walking.
avant l'apocalypse
05/05/1989 Naissance d'Evalia et d'Absalon Costello à Los Angeles.
1993 Décès de leur "
père ". Leur mère est ramenée à la frontière par les services de l'immigration. Eux sont pris en charge par les services sociaux.
1995 Arrivée à Chicago au sein d'une énième famille adoptive. Le nouveau père se révèle être particulièrement violent. Eva et Abe subissent de nombreuses sévices pendant un peu plus d'un an avant d'être évacués de cet enfer par les services sociaux.
1997 Hector Costello retrouve enfin la trace de son neveu et sa nièce. Il finit par les adopter officiellement.
2016 Road-trip en famille, le début de la fin.
après l'apocalypse
2016 Arrivée miraculeuse à Lafayette. La petite famille rejoint le camp fortifié.
novembre 2016 Expulsion d'Hector Costello de Lafayette suite à un vol de médicaments. (n°10)
février 2017 Naissance de Luna, fille d'Evalia.
février 2017 Départ (expulsion) d'Absalon Costello du camp.
délaissés
vagabondage - 1995
Evalia étouffait. Le jour, la nuit, en Californie ou dans l'Illinois. Elle n'était pas bien grande la gamine mais déjà si effrayée, si timide, si perdue dans ce monde. L'innocence enfantine l'avait quittée depuis déjà bien longtemps. Alors, elle s'était enfermée dans ce mutisme pour se protéger des autres lorsque Absalon prenait déjà les coups pour elle. Ils avaient le même âge et pourtant, Eva avait endossé le rôle de la benjamine - simplement. Elle lui devait sûrement la vie, à cet enfant la dépassant uniquement de quelques centimètres. Parce que les adultes n'étaient plus là pour eux, peut-être n'avaient-ils jamais été de leur côté? Evalia avait cette désagréable sensation de n'avoir jamais détenu son destin entre ses mains. Dépendante chaque jour d'une nouvelle personne, dépendante de la bonne volonté des grandes personnes. Et puis, elle se cachait, dissimulait cet accent espagnol et cet anglais incertain, cette langue qui n'était définitivement pas la sienne. Son existence étant déjà assez laborieuse, Eva avait-elle vraiment besoin de recevoir tant de brimades? Elle n'était malgré tout pas l'enfant la plus malheureuse, ayant appris à se contenter de peu, où le simple fait d'être aux côtés de son frère représentait déjà beaucoup pour elle. La période des efforts, pour s'intégrer, s'adapter à chaque nouveau foyer où elle mettait les pieds lui parut particulièrement longue. A la fin elle ne prenait même plus le temps de vider son sac à dos, préférant tout garder sur ses épaules. Stigmatisée alors qu'elle avait toujours voulu bien faire, personne ne lui offrit l'issue avant que la situation ne devienne trop brutale.
◊ Six ans qu'ils avaient lorsque les services sociaux les ont récupérés dans un état déplorable. Personne n'avait posé de questions, personne n'avait osé accuser le rare couple respectable de ce quartier de Chicago. Les gamins étaient détruits physiquement et leur peau basanée ne devait pas y être pour rien. En effet, il est bien connu que ces orphelins là sont des bagarreurs, des terreurs, des ombres martyrisant leurs gentils camarades. En vérité, aucun enfant de leur classe n'avait souffert de leur présence, Eva avait même quelques amis. Non personne n'avait voulu parler parce qu'il était plus facile de nier et que si les parents avaient jugé bon de leur coller quelques tartes c'est qu'ils avaient leurs raisons. Mais les claques du père n'avaient été que les prémices des coups, divers, variés, toujours douloureux, toujours destructeurs. Combien d’œil au beurre noire, de traumatismes crâniens et de traces en tout genre sur leurs peaux d'enfants? «
Vous êtes bien silencieux tous les deux. — Le regard de l'assistante sociale croisa le regard dépité d'Evalia dans le rétroviseur. Elle était jeune mais loin d'être imbécile. —
On va où? — C'était toujours Absalon qui parlait, s'exprimant pour deux. —
Dans un foyer de Chicago. Vous verrez vous serez bien là-bas. — Ce sourire était-il forcé ou sincère? Parce que cette femme ne devait pas bien réaliser l'enfer qu'ils venaient de vivre depuis une bonne dizaine de mois. Les médecins à l'hôpital avaient été clairs, à eux deux, les enfants Costello comptabilisaient pas moins d'une dizaine de fractures qui auraient nécessitées des soins plus approfondis. —
On reste ensemble Eva. — Murmura Absalon à l'oreille de sa sœur, cette dernière ayant la tête posée sur son épaule. Rester ensemble c'était le plus important. —
Oui. »
renaissance
costello's family - 2005
«
T'es encore sous ma responsabilité Eva! Tu peux pas sécher les cours comme ça, faire le mur et traîner où il ne faut pas! » Hector avait plus d'une bonne raison pour être en colère. Vraiment. Même l'Evalia d'aujourd'hui le reconnaîtrait. Mais voilà, pour l'adolescente il n'était pas son père et elle, elle se sentait déjà si grande pour agir comme bon lui plaisait qu'elle ne supportait pas ses remontrances. La vie était injuste alors cette liberté elle la désirait plus que tout. Et pourtant c'était grâce à lui qu'elle avait enfin une vie stable, avec Absalon, l'espoir d'un avenir. Oncle Hector était arrivé dans leur vie lorsque les jumeaux avaient huit ans. Venu de nulle part, le contact avec du sang mexicain avait revigoré Eva. Par chance il était aux Etats-Unis pour les adopter et autant dire que les deux enfants n'y ont pas crû avant longtemps.
Ayant enfin tous les ingrédients pour devenir une enfant épanouie, Evalia changea cependant du tout au tout à l'adolescence. Elle était à bout et sa révolte fut aussi violente que les injures subies ces dernières années. Puisqu'ils la prenaient tous pour une délinquante avec ses origines hispaniques, qu'elle était toujours la première accusée en cas d'incidents à l'école, puisque c'était une fille dont le destin tragique était déjà écrit d'avance alors elle leur prouverait qu'ils étaient loin de la vérité. Elle aurait pu se battre contre ces accusations, montrer qu'ils avaient torts sauf que les attaques l'avaient déjà trop blessée. Quitte à ce qu'on la condamne au quotidien pour ce qu'elle était alors autant leur donner raison, mieux, les surprendre et les effrayer. Au moins la prochaine fois qu'on l'embêterait, l'attaque serait justifiée et elle se sentirait ainsi plus légitime à se défendre. Evalia pourrait enfin s'assumer, le menton relevé et le regard haut.
«
Tu me fatigues Eva. Tu peux pas passer une journée sans te foutre dans la merde pas vrai? » Absalon lui tapait sérieusement sur le système avec ses remarques sanglantes et son dédain habituel. Il se croît grand et responsable. Ou plutôt il se croit plus responsable que sa sœur et ça elle ne le supporte pas parce qu'ils ont tout simplement le même âge et qu'elle est encore et toujours reléguée au statut de petite sœur. Ce qu'elle n'est pas, certainement pas. Il refuse de le voir son frère, il ne veut pas le voir mais elle grandit et flirter avec des garçons, faire des bêtises d'ado, tester ses limites c'est ce qui se passe dans l'ordre des choses. Alors certes d'habitude ces individus ont des parents pour les remettre dans le droit chemin sauf qu'Eva elle n'a pas de parents. Et si Absalon s'imagine devoir reprendre le rôle du père, il se met le doigt dans l’œil parce qu'Hector veille déjà à la réprimander suffisamment pour son insubordination. Alors oui, son frère elle l'aime, oui son frère c'est tout ce qu'elle a mais est-ce une raison pour rester dans l'ombre
du plus grand éternellement?
adaptation
apocalypse - 2016
Cet endroit n'était pas si détestable qu'en disait les rumeurs. Evalia avait un lit, de quoi se nourrir, la possibilité de prendre une douche chaude, tout ce qu'il lui fallait pour vivre. Peut-être que la classe aisée fraîchement débarquée dans le camp avait l'impression de retourner au Moyen-Age, loin de leur confort de riches... Sûrement même. Alors oui de nombreuses choses manquaient à la jeune femme tel les moyens de communication et le fait de pouvoir conduire des heures sans regarder autre chose que le bout de la route sur l'horizon, contraintes auxquelles s'ajoutait cette impossibilité à assouvir ses envies de voyages. Eva n'en restait pas moins satisfaite de sa situation. La gamine qui avait appris à se contenter de peu en avait fait son credo. Abandonnant les études après un simple semestre - trop cher, trop désintéressant, trop de temps perdu - elle avait enchaîné les petits boulots dans Chicago pendant plusieurs années. Et ce jusqu'à obtenir il y a de ça quelques mois un emploi de mécanicienne dans un garage à la périphérie de la ville. Les journées étaient interminables mais avaient le mérite d'être bien remplies. L'ennui avait définitivement disparu de son quotidien. Aujourd'hui ce quotidien s'avérait être bien différent. Il fallait suivre des règles, reléguer sa liberté en échange de sa sécurité, un compromis qui ne lui avait pas semblé si cher payé au final. Tout n'était pas parfait malgré tout, parce qu'ils étaient destinés à survivre ou devenir des êtres à la chair putride et dénués de vie. La menace était arrivée de nulle part et s'était répandue à une vitesse folle. L'espèce humaine venait de trouver un maillon supplémentaire à la chaîne alimentaire et l'Homme était dorénavant une proie avant d'être un prédateur. L'ennemi avait été identifié sans aucune difficulté, alors pourquoi les Hommes n'ont-ils rien fait? Pourquoi n'ont-ils pas choisi de s'allier pour se battre, ensemble, espèce contre espèce?
Cette déception passée, Eva s'était acclimatée à la vie à Lafayette. Comprenant progressivement que le règlement appliqué était une entrave à la liberté, elle n'avait pas la force de se rebeller. Tout du moins pas ouvertement. Elle résidait malgré tout un dans un lieu sûr et ce en compagnie de son frère et son oncle, et ça ça valait tous les sacrifices du monde. Et puis il y avait Kara aussi. C'est qu'aucun lit ne pouvait être laissé vide alors la jeune femme avait rejoint la famille Costello et faisait à présent partie intégrante de la maisonnée. Les tensions des premières secondes entre les deux femmes avaient rapidement laissées place à une très bonne entente. Evalia oserait même dire qu'elles sont amies à quiconque lui demanderait de définir sa relation avec la blonde.
Pour répondre à ce besoin de se dégourdir les jambes, Evalia avait trouvé une excellente parade. Une brèche de rien du tout, dissimulée avec soin par ceux la connaissant. Et la Costello faisait partie de ceux-là. Sa première fois à l'extérieur de l'enceinte du camp l'avait apeurée plus qu'autre chose. Peur de se faire prendre, peur de se faire attaquer, peur de mourir, pire, la peur d'être renvoyée par le Conseil de Lafayette. Sauf que les sensations s'étaient révélées libératrices et quelques jours plus tard elle avait réitéré son escapade. C'est par cette voie qu'elle fit les rencontres les plus intéressantes et utiles pour sa survie. C’est aussi au fil de son manège incessant que des sentiments naquirent à l'encontre d'un homme. Un gars qui survivait dans le monde infesté, un gars qui ne connaissait pas le confort du camp mais qui semblait satisfait de sa situation. Des regards, quelques mots échangés, des conseils et puis des escapades à l'extérieur qui pouvaient durer des heures entières. Eva ne se souvient plus quand est-ce qu'ils ont franchi la limite de l'inconnu, encore moins celle de l'amitié. Elle sait seulement que les instants en la compagnie de Matthew étaient les plus intenses et joyeux depuis longtemps. Jusqu'à ce qu'il parte. Son projet était noble - retrouver sa sœur - mais oh combien en décalage avec ce qui aurait pu lui tomber dessus. Parce qu'il allait être père et qu'Evalia détestait plus que tout ce sentiment d'abandon. Elle ne pouvait pas rester seule pour affronter cet être ayant pris refuge dans son ventre. Elle aurait pu en vouloir Matthew pour les conséquences de leurs actes sauf que son esprit était trop concentré sur le fait qu'elle devrait affronter sa seule. Qu'elle devrait se débrouiller avec ce monstre qu'elle n'avait jamais désiré. Et le pire c'est que c'est elle qui en avait décidé ainsi - cacher la vérité à Matthew, lui dire qu'il n'était pas le père, que c'était un autre, la plus grande erreur de sa vie.
échec
solitude - 2017
«
Vous êtes sûre que vous ne voulez pas prévenir le père? —
Puisque je vous dis qu'il est mort merde! — Laissa échapper Evalia entre ses dents serrées par la douleur du début du travail.
Vous êtes certaine que- —
Kara! Argh! Dit à ces imbéciles de la fermer s'il-te-plaît. » Elle avait redouté ce moment et voilà qu'elle ne pouvait plus faire marche arrière. Tout comme Matt n'avait pas été mis au courant de sa paternité, lorsque la question avait été récurrente, Evalia avait jeté son dévolu sur ce gars, mort en mission il y a quelques semaines. Un mec bien, avec qui elle avait passé pas mal de temps - l'illusion parfaite.
C'est une femme perdue et seule qui mit au monde cet enfant, une petite fille magnifique aux yeux de tous excepté sa génitrice. Cette gamine l'avait empêchée de vivre et travailler durant ces derniers mois, cette gamine arrivait au pire moment de sa vie. Parce qu'elle n'avait jamais revu Matthew. Parce que Hector n'était plus là. Absalon n'était plus là. Et que sa vie avait perdue toute saveur. Dépression aggravée lui ont diagnostiqué les médecins du camp. Et c'est à partir de ce jour qu'elle réalisa enfin ce qui l'insupportait le plus dans cette prison à ciel ouvert. L’horreur de ne plus être détentrice de son destin, une fois de plus. Une fois de trop.
«
Il y a quelqu'un? — Evalia était certaine d’avoir entendu une fenêtre claquée. Elle sentait une présence dans la maison et c'est son aiguille à tricoter dans la main qu'elle avait accueillit l’intrus. —
C'est moi! Juste moi Eva. — La voix n'était que murmure mais la femme aurait pu la reconnaître entre mille. —
A- Ab- Abe? Tu? » Et il surgit de sa cachette, tel un fantôme tel un mirage. Ce n'est qu'après s'être lovée dans ses bras et avoir reconnu son odeur mêlée à celles de l'extérieur qu'elle sut que c'était définitivement lui. Elle s'était promise de la frapper, pour l'avoir laissée seule mais elle n'en trouva pas la force. «
Ils ont voulu me faire croire que t'étais parti. Je les déteste, je peux pas rester ici. —
Eva, c'est trop dangereux à l'extérieur. Avec ton enfant, c'est trop risqué. Il s'appelle comment en fait? —
C'est une fille et elle a pas de prénom. Ecoute! Il nous faut un plan! Il- — Le regard de son frère voulait tout dire. Comment avait-elle pu ne pas donner de nom à sa fille? Comment? —
Tu devrais l'appeler Luna. C’est joli Luna. »