Bottes encrassées par le pourpre, semelles inondées de morceaux de chairs périmées qu'il piétinait sans s'arrêter. Exode funèbre d'une route parsemée de merdes qu'il ne pouvait plus supporter. Heures cinglantes qui troublaient l'aube et le silence d'un matin déjà profané par la mort. Le barbu laissa un instant tomber sa lame ensanglantée sur le goudron, le cul posé sur le trottoir à observer un soleil aux couleurs du sang se lever. Il voulait être reconnaissant face à ce spectacle, désabusé par les cadeaux empoisonnés d'une nature impitoyable et rancunière. La clope aux bords des babines gercées, il soufflait la fumée vers cet astre qui venait illuminer ses songes désespérés. Encore une nouvelle journée d'errance, exil tortueux d'un homme brisé par la vie aux perspectives anéanties. Il croqua dans une pomme qu'il avait ramassé au levé, épargnée par les morsures pourries du temps. Il fallait qu'il trouve de quoi manger, ne pouvant plus vraiment supporter cette faim qui venait sans cesse le dévorer. Alerté par l'odeur, un écureuil descendit alors de son arbre pour quémander. Glenn s'arrêta de mâcher, observant l'animal le regarder. L'espace d'un instant, il songea même à le tuer pour se repaître plus tard de sa chair brûlée. La main sur sa lame, le rongeur s'approcha un peu plus du géant pour renifler la pomme presque terminée. Un soupir tandis qu'il abandonnait le fruit défendu à la bestiole affamée. « Petit con. » Souffla alors le géant qui se relevait, préférant préserver ce qu'il restait de beau et d'innocent dans un monde où la beauté laissait vraiment à désirer. Il sortit alors sa bouteille d'eau pour se rincer la bouche, liquide saumâtre et dégueulasse. Tout avait un arrière goût de merde. Le temps n'aidant pas à rendre sa survie plus supportable. Il se leva, hissant son sac sur l'épaule tout en envoyant valser son mégot. Il était temps de reprendre la route, sans vraiment savoir où aller, perdu dans cet amas de cadavres frelatés. Un dernier regard pour l'animal qui remontait régner dans les hauteurs d'un conifère synonyme de sécurité. Elle était loin sa maison, aucuns arbres où monter se réfugier. Juste des souvenirs entachés de regrets.

Asphalte fangeuse, l'odeur du goudron se mêlait aux relents de pourris portés par un vent qui venait lui donner la nausée. A en juger par les cadavres décorant le bitume, quelqu'un était passé avant lui pour dégager cette route. Quelques voitures abandonnées qu'il s'empressa de fouiller, ne trouvant rien hormis quelques objets personnels abandonnés. Il tenait entre ses doigts un petit morceau de papier, lisant les derniers mots d'une mère qui avait préférée se suicider plutôt que de vivre sans son bébé. Combien de familles brisées par cette épidémie ? Combien de veuves, d'orphelins et d'humains damnés continuaient de fouler cette foutue terre contaminée ? Il laissa tomber la lettre sur le sol, continuant son chemin sans regarder en arrière. La petite ville de Scott se dessinait devant lui, citée fantôme qu'il n'avait pas encore exploré. Aucuns rôdeurs à dégommer, profitant de cette balade au milieu de ce cimetière géant pour s'aérer. C'était presque agréable. Ce calme, cette tranquillité loin de l'agitation morbide des grandes villes hantées. Glenn s'arrêta alors devant ce qui semblait être un un bar. Il poussa alors les portes du commerce abandonné à la poussière et à la crasse. Il ne restait pas grand chose hormis quelques alcools bon marché et un mur où trônait quelques photos. Le fameux Barry ? Un sourire communicatif immortalisé sur le papier, observant ces morceaux de vies découpées désormais oubliées. Le blond piqua alors une bouteille de scotch et retourna dans la rue pour continuer son avancée.

Abandonnée dans un coin, un vieille harley était en train de pourrir en attendant d'être chevauchée. Glenn fût même surpris de trouver les clés dans le démarreur, s'installant sur l'engin qu'il s'empressa de faire hurler. L’apocalypse et sa cavalcade de trésors délaissés. Le vent venait fouetter son visage abîmé, roulant comme un malade sur la route jonchée de déchets. Il vagabonda pendant de longues minutes jusqu'à qu'il finisse par tomber sur un petit groupe de rôdeurs qui semblaient attirés par une survivante luttant seule contre cette petite armée. Glenn s'arrêta alors, sortant sa machette de son sac pour venir prêter main forte à la dame. Non pas qu'elle semblait ne pas savoir se débrouiller, mais à en juger par le nombre de morts en train de l'encercler, elle ne s'en sortirait pas seule. Sans réfléchir, le militaire enfonça sa lame dans le crane du premier rôdeur qui s'offrait à lui. Peu importe la beauté d'un soleil qui se levait, les mots d'amours abandonnés et un charmant petit écureuil affamé — le contexte finissait toujours par les rattraper pour tout gâcher —  environnement meurtrier.